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BRÈVE NOTE : ÉLECTION AMÉRICAINE ET MARCHÉS FINANCIERS

Franck Labas membre de l’association du
Master Droit Bancaire et Financier Université Lyon 3

 

Les élections américaines ont indéniablement constitué l’attraction médiatique de ces dernières semaines y compris en France où radios et chaines de télévision ont invité des cohortes d’experts et ont multiplié les éditions spéciales. Certains se sont d’ailleurs émus que l’on ne retrouve pas le même engouement lors des élections européennes qui nous concernent pourtant plus directement.
Sur les marchés, l’événement a causé moins de remous. Deux potentiels facteurs d’instabilité peuvent être envisagés : l’issue de l’élection et les tensions sociales et institutionnelles qui peuvent découler de la contestation du résultat.

L’identité du vainqueur de l’élection du 3 novembre importait peu aux marchés. Joe Biden bien que démocrate, fait partie de l’aile centriste de son parti bien loin d’une Elisabeth Warren dont le programme prévoyait le démantèlement des GAFA. Suite à sa victoire aux primaires, le candidat Biden a habilement réussi à rassembler son camp en intégrant au sein de sa « Task Force » de campagne ses anciens adversaires tels que la figure montante du parti Alexandria Ocasio-Cortez. Un tel consensus n’a pu être obtenu que via des concessions faites à l’aile gauche de son parti. Si l’on pourrait voir ici un facteur de crainte pour les marchés, Maria Paola Toschi, directrice chez J.P.Morgan Assets Management rappelle que: « Pour pouvoir mettre en place des politiques plus controversées, il est indispensable d’avoir le contrôle de la Chambre des représentants et du Sénat ». En pratique un contrôle de la chambre haute par les démocrates parait peu probable. Celui-ci se jouera le 5 janvier 2021, lors d’élections partielles en Géorgie, état traditionnellement conservateur et remporté avec une très courte marge par Joe Biden lors de l’élection présidentielle. Les démocrates devront remporter les deux sièges mis en jeu pour atteindre l’égalité 50-50 au Sénat. Dans ce cas de figure, la constitution prévoit que la vice-présidente, Kamala Harris puisse voter.
Cette analyse politique se doit d’être complétée par une approche plus financière. Les marchés, marqués par la surprise de l’élection de Donald Trump en 2016, avaient cette fois-ci anticipé les conséquences de celle de 2020. Comme le souligne le journal les Echos dans un article du 4 novembre, les Hedge Funds américains avaient réduit leurs prises de risques dès le mois d’août, au niveau des actions en réorientant leurs allocations des valeurs technologiques vers les groupes exposés à la reprise économique en Asie, et de manière plus globale en se tournant vers les valeurs refuges telles que l’or.

 

Davantage que le résultat de l’élection, c’est donc sa contestation et les conséquences qui pourraient en découler qui seraient susceptibles d’inquiéter les marchés.

Dans un article du 4 novembre, le journal Le Monde citait un analyste en courtage de devise qui estimait qu’un résultat incertain constituait la pire issue possible. Un analyste de Barclays évoquait pour sa part l’hypothèse d’une forte volatilité jusqu’à ce que des résultats définitifs soient établis, citant l’exemple des élections de 2000 opposant George W. Bush et Al Gore.
Deux semaines plus tard qu’en est-il ? Force est de constater que les marchés sont restés indifférents aux tweets de Mr Trump et aux multiples recours juridiques entrepris. Ainsi sur la semaine du 9 au 13 novembre le Dow Jones a gagné plus de 4%. Le VIX, indice de la peur par excellence qui mesure la volatilité sur les marchés américains, n’a cessé de baisser depuis le 3 novembre confirmant ainsi la sérénité ambiante. Les risques sont pourtant variés : institutionnels, sociaux, juridiques mais les acteurs des marchés voient plus dans le comportement de Donald Trump une volonté de mobiliser sa base électorale pour l’après avec notamment la création d’un média conservateur, qu’une réelle volonté de se maintenir au pouvoir. Les recours juridiques engagés, faute d’éléments probants ont très peu de chances d’aboutir. L’hypothèse d’une obstruction institutionnelle parait peu probable compte tenu de l’expérience politique de Joe Biden. Le risque d’un embrasement social du pays bien que présent reste pour l’instant limité. Dans tous les cas, le vote des grands électeurs le 14 décembre prochain devrait mettre fin à cette période d’incertitude. Les principales conséquences de l’élection pour les marchés seront donc à rechercher dans les décrets, pour l’instant dirigés contre les investissements américains sur le marché chinois, que Mr Trump pourra publier jusqu’au 20 janvier 2021 date de la passation de pouvoirs.

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